14/18 La Grande Guerre
Quand de braves garçons de la terre bretonne,
Reçurent des gendarmes, l'ordre de ralliement
Il leur fallut, alors, personne ne s'en étonne
Quitter femmes, foyers, enfants, bêtes et champs.
Tu étais de ceux-là,
Tu avais dix huit ans.
Tu ne connais pas, tu as appris alors
Ce que veut dire à l'homme la notion de Patrie,
Qu'il faut blesser parfois et puis donner la mort
A celui qu'aujourd'hui on appelle ennemi.
La guerre sert à qui ? " Pauvre homme " que nous sommes,
Notre seul fortune, n'est ce pas notre vie !
C'est ainsi que tu penses, lorsque le canon tonne
Et qu'à coté de toi tombent tous tes amis.
Ces morts, comme toi, sont et maris et pères,
Dans la tranchée d'en face, des hommes tout aussi fiers
Raisonnent, eux aussi, sans comprendre vraiment
Qu'ils devront te tuer, puisqu'ils sont allemands.
Mon seul vrai ennemi, il n'est pas devant moi,
Tourne la tête Jacques et regarde là-bas,
Les nantis, les puissants sont dans leurs capitales,
C'est eux que l'on défend, eux à l'abri des balles.
Nous n'avions rien à perdre, si ce n'est un ami,
Pour sauver leurs trésors ils vont prendre nos vies.
A qui peuvent servir leurs si beaux sentiments,
Nous le bout de jambon, eux le plat d'ortolans.
Tu n'es pas mort en vain, grand-père, et quelle chance
D'avoir appris cela par toi, dans mon enfance.
Le bruit de ton pilon* cogne encore ma mémoire
Car dans tes yeux mouillés, j'ai souvent lu l'espoir,
L'espoir d'une autre vie, où tu serais heureux!
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à mon grand-père paternel, Alexandre Floury, mutilé de guerre au chemin des Dames
Au Quévézou, en Kérity-Paimpol le 4 août 1980
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